Article : Faut-il aimer les patients lorsque l'on est médecin généraliste ?

 

 

Mais cette question nous rappelle que le premier devoir éthique du médecin reste l’écoute de ce que le patient a à nous dire, par le corps comme par la parole. Si l’amour ou l’empathie, sa soeur moderne, peuvent nous apprendre quelque chose, c’est que sans ces deux notions, il n’y aura jamais de médecine véritable de l’homme ; que la science la plus complète, obligatoirement dépendante des progrès techniques, n’y peut rien et que sans l’attention à l’autre, le médecin n’est plus qu’un technicien parmi d’autres et risque ainsi de perdre ce qu’il reste de son humanité. La médecine n’est pas la rencontre de deux mécaniques, aussi perfectionnées soient-elles ! Elle reste un art et, comme tel, nécessairement attachée à un individu dans toute son unicité et sa complexité. 

Faut-il « aimer » les patients pour bien les soigner ?

 

Si l’on ne souhaite pas voir se généraliser la notion de « médecine commerce » faisant du patient une « marchandise » comme les autres, il faut donc revaloriser cette notion d’empathie faite de concentration, d’écoute, et de responsabilité. Notions qui font de l’éthique médicale le fondement même de la relation de soin.

 

Responsabilité 48, décembre 2012-         11 janv. 2013 

·         Auteur : Dr François Baumann, Médecin généraliste, Cofondateur de la société de formation thérapeutique du généraliste, Membre du comité scientifique international de l'UNESCO (Chaire de bioéthique)

Est-il possible de soigner un patient sans « l’aimer »? Doit-on entendre par ce mot, riche de significations multiples, que l’on doit toujours être attentif à l’autre, ou aller plus loin encore et imaginer qu’il est possible de partager, voire de ressentir, douleurs et souffrances avec autrui ? La compassion et la sympathie sont-elles compatibles avec le soin?

Sommaire

·         L'amour « empathie » ?

·         L'amour « compassion » ?

·         Une distance nécessaire

·         Le transfert

·         L'objectivité, gage d'une bonne prise en charge ?

Il pourrait sembler à la fois évident et logique que l’on ne peut être attentif à quelqu’un que l’on soigne, dont on s’occupe, qui lui-même remet sa santé et parfois sa vie entre nos mains, qu’avec un minimum d’amour, qu’on entendra ici au sens général de filia, plus proche d’une attitude attentive et prévenante, d’une attention « bienveillante » que d’un amour maternel ou paternel.

L'amour « empathie » ?

Dès 1873, un philosophe allemand, Robert Vischer, a trouvé une solution à ces questionnements sémantiques en proposant le mot « empathie » pour définir, et peut-être remplacer, cette difficile notion d’amour. Il lui attribue la signification de « ressenti de l’intérieur » et le décrit même comme « un mécanisme adaptatif indispensable à la survie ». Il est en effet inimaginable, en tout cas de façon durable, d’accepter quand on soigne de se laisser submerger par la souffrance ou les soucis d’autrui, même si on souhaite de toutes ses forces l’aider, le soulager ou le guérir. Nombre de soignants se mettent en danger lorsqu’ils « baissent la garde » de façon trop prolongée ou trop intense. Il devient alors difficile pour le médecin de se retrouver, au risque de mettre en jeu sa propre santé mentale. On pense au fameux syndrome du burn-out, qui atteint en priorité ceux qui s’investissent trop dans la relation et finissent par « se brûler de l’intérieur ».

Le concept d’empathie est donc apparu tout à fait à propos pour remplir cette place que l’on nommait « amour du prochain » et qui, devenue empathie, prend un caractère sérieux et scientifique que la dimension sentimentale et émotionnelle avait largement édulcoré.

Changement dans le vocabulaire, mais constance dans le sens des mots. L’empathie, ressentie de l’intérieur, nous préserve ; l’amour, lui, par l’intensité d’un sentiment qui peut parfois flirter avec la passion, risque de nous brûler les ailes.

L'amour « compassion » ?

Proche de la sympathie, il s’exprime dans la compassion un peu de religiosité, une tonalité sacrée, voire mystique, et une certaine forme d’émotion qui paraît peu propice à l’objectivité recherchée dans une relation médicale. On est peut-être loin d’une éthique de la responsabilité telle que décrite en son temps par Hans Jonas*.

La compassion, le « souffrir avec », est sans borne, sans limites, mais semble bien illusoire dans la réalité de son application : peut-on ressentir les douleurs de l’autre avec la même intensité et la même souffrance que lui ? Elle reste cependant une notion, certes au goût du jour comme nombre de religions nous le rappellent, mais trop marquée et impossible à appliquer sans risque pour des praticiens. Doit-on souffrir de toutes les maladies que l’on soigne pour les comprendre ? Ne risque-t-on pas ainsi sa propre santé à l’imaginer même ? Bien qu’il arrive parfois que nos patients aient des doutes sur notre compréhension de leur souffrance, aucun ne peut imaginer qu’il soit nécessaire de ressentir leur souffrance pour la comprendre. On sait aussi que l’on soigne mieux un patient si l’on a vécu les mêmes problèmes que lui. On peut donc considérer que l’amour du soignant, dès qu’il a pour fonction de soulager celui ou celle qui souffre, est une forme toute particulière de l’attention que l’on porte à autrui, d’autant plus nécessaire que ce dernier est dans la souffrance et la difficulté. C’est sans doute une forme essentielle de l’éthique de la relation, que l’empathie peut représenter, mais que sympathie et compassion, par l’illusion qu’elles donnent de pouvoir se mettre à la place de l’autre, ne peuvent suffire à réaliser.

* Hans Jonas, Le Principe responsabilité (1979), Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008. Lire aussi L’Art médical et la responsabilité humaine,
Cerf, 2012.

Une distance nécessaire

Quand le médecin prodigue des soins à ses proches, la recherche, et souvent la perte d’objectivité dans le jugement émis en sont la conséquence, difficile à éviter. Si l’on est trop proche, le risque émotionnel est très fort ; mais rester dans la distance de ceux que l’on aime est périlleux, voire simplement impossible. Le paradoxe est compliqué à contourner, même si certains peuvent y parvenir, et à quel prix ! Soigner ses proches ou sa famille est difficile et souvent coûteux pour les deux protagonistes. Il faut définir la bonne distance mais là encore, l’épaisseur de la carapace nécessaire risque de nuire aux autres dimensions de la relation.

L’exemple de l’annonce d’une mauvaise nouvelle est l’un des plus évidents. Annoncer une mauvaise nouvelle à quelqu’un que l’on aime peut être une véritable épreuve… et une source d’échec thérapeutique, à court ou à moyen terme. La difficulté est tout aussi grande lorsqu’il s’agit d’inconnus que l’on va soigner pour la première fois, ou de patients avec lesquels le praticien entretient des relations difficiles. Pourtant, éthiquement, le médecin n’a pas à choisir parmi les patients ceux qu’il va soigner et ceux dont il ne s’occupera pas !

Le transfert

La notion de transfert apparaît tout naturellement ici. Le transfert se manifeste lorsque nous sommes face à une altérité dont nous attendons la reconnaissance. Il peut s’agir d’un enseignant, d’une personnalité politique ou d’un thérapeute, auquel le patient va attribuer une identité qui ne correspond pas à la réalité. Le transfert est donc toujours présent dans les relations humaines et ne reste pas limité au travail psychanalytique. Le contre-transfert lui répond en écho et peut expliquer que l’on aura ou pas de la sympathie, de l’estime ou de l’empathie pour un patient donné.

Cet ensemble de vocables différents, désignant un même concept, explique l’utilisation difficile du mot « amour » pour qualifier le jeu des émotions, des souvenirs et des sentiments qui se produisent dans les différentes circonstances relationnelles. Il est donc également présent lors de nos consultations. Aimer son patient, lui montrer de l’empathie, même si les mots ne sont pas superposables, même si seul le terme de transfert, répondant au contretransfert, est utilisable, désigne un même « mouvement de l’âme », une réaction répondant à une autre présence… et qui ne peut humainement laisser indifférent. 

Nous n’existons qu’à partir d’une altérité dont nous attendons qu’elle nous reconnaisse, et il peut s’agir indifféremment des parents, des supérieurs hiérarchiques, des enseignants ou des soignants par le pouvoir, réel ou allégué, qu’ils exercent sur nous. Et ceci est vrai au point que lorsque nous croyons nous parler à nous-mêmes, c’est encore d’altérité qu’il s’agit. Nous nous adressons toujours à un autre, auquel nous prêtons des qualités et des défauts souvent fantasmatiques, rarement objectifs quels que soient nos efforts et nos prétentions. Il en va sans doute de même pour cet « amour », indispensable mais souvent irréaliste, dont nous pensons gratifier nos patients.

L'objectivité, gage d'une bonne prise en charge ?

Il peut apparaître contradictoire de devoir aimer le patient pour bien le soigner. Garder une distance importante, ne pas se laisser dominer par ses émotions, à la limite ne pas en avoir, serait alors un garant de l’objectivité indispensable aux soins. Peu importe alors que l’on se sente ou non en phase avec les patients ; seule compte la qualité de la prise en charge scientifique. Émotion et sentiments n’ont pas ici leur place. Au contraire, peut-être même viendraient-ils gâcher la démarche diagnostique et thérapeutique qui requiert sérénité et distance. L’exemple, cité précédemment, des soins prodigués aux très proches illustre bien ce propos.

L’objectivité, remède au narcissisme, tend à écrêter les différences entre les individus. Elle peut justifier la non nécessité d’une relation empathique avec le patient, puisque celle-ci risque de faire obstacle à la qualité du raisonnement scientifique. 

Les risques d’une telle relation sont finalement comparables à ceux de toute relation amoureuse. Trop d’amour, ou trop peu, ne permet pas de soigner correctement le patient. 

Alors, l’amour pour le patient, indispensable moteur dans une relation qui reste avant tout humaine et non mécanique ? Oui, bien sûr. Nous ne sommes pas interchangeables et restons tous différents. L’humanité est faite d’individus, non de numéros. Quelles que soient ses imperfections, elle justifie cette attention à l’autre et cette prise en compte de sa différence. 

 

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